Les mesures de distanciation agissent comme un accélérateur des grandes tendances initiées bien avant la pandémie. Devenue incontournable, la virtualisation des points de vente est en route, au sein d'une approche multi-canal coordonnée.
Les libraires se sont largement mobilisés contre leur fermeture à l'automne et ont réagi en généralisant les offres en ligne ; les initiatives locales depuis l'aide des collectivités, jusqu'aux offres de sites de vente en ligne développés en 48 heures ont fleuri à la même période.
Au delà des protestations et des difficultés, la mutation est bien lancée, et l'optimisme en matière de digital semble désormais de rigueur dans le 'retail' : "si l’on crée sa boutique en ligne avec la même intention que sa boutique physique, si l'on en fait la communication, le volume d’affaires sera là".
La question a basculé du pourquoi au comment : comment définir la feuille de route de la digitalisation d'une enseigne de distribution auprès des consommateurs ?
Nous avons échangé avec des experts du domaine, en voici une synthèse en quatre points clés que nous détaillons ci-dessous.
1. De la prise de conscience au business plan
La première étape pour les dirigeants, est de prendre conscience du potentiel digital de leur activité. Les acteurs historiques sont structurellement peu à l'aise dans cet univers, notamment par manque de compétences internes historiquement orientées vers d'autres canaux. Une étude de marché succincte permet généralement assez rapidement d'estimer l'ordre de grandeur du potentiel avant d'engager la suite.
Dès lors que l'ambition est là, il s'agit de mener une réflexion de fond sur la meilleure manière de faire un bond en avant : définir un business plan avec une cible en termes de chiffre d'affaire, en travaillant l'ensemble des leviers du digital vers le consommateur (B2C), principalement sur trois dimensions :
Gagner du trafic sur le site web de la marque et travailler sur tous les points de transformation de ce trafic en vente effective,
Exploiter le canal des marketplaces si la typologie de produits s'y prête,
Développer l'approche omni-canal entre points de vente physiques et site web.
Le business plan permet de travailler sur les trois leviers à travers les moyens business, marketing et humains.
Construire la démarche gagne à s'appuyer sur des retours d'expérience : discuter avec d'autres marques, analyser la concurrence... autant de prise d'information qui feront gagner un temps précieux pour orienter au mieux le projet.
Cette préparation permet de gagner du temps, notamment pour mener les investissements. La délégation à la direction digitale d'un budget cadré par le business plan lui permet de rester agile et de prendre les décisions sans retard, dans un domaine ou les choses évoluent vite.
2. Les fondamentaux : trafic, vente, encaissement, satisfaction
Nouveau sujet, nouvelles compétences : l'internalisation de quelques profils clés combiné aux bons partenaires est un subtile équilibre.
L'interne doit pouvoir maitriser les bases techniques, le e-commerces, le web-marketing ce qui passe souvent par des plus jeunes, ou en tout cas plus pointus, dynamiques et orientés clients. La maitrise du risque passe par une certaine redondance au sein de l'équipe permettant de palier raisonnablement aux absences.
Les partenaires apportent l'expertise (par ex. la gestion du trafic, audit de l'UX/UI...) et la flexibilité, et peuvent être avantageusement impliqués à travers un système d'incentive sur la performance de l'ensemble (par ex. l'augmentation du trafic). Les ordres de grandeurs budgétaires peuvent surprendre les nouveaux arrivants dans le e-commerce, il n'est pas rare de dépenser 10 à 15% du chiffre d'affaire en 'adwords' par exemple.
L'enjeu majeur du dispositif est de maitriser la chaine depuis l'acquisition du trafic jusqu'à la satisfaction client. Chaque rupture impacte directement le chiffre d'affaire en réduisant le taux de transformation. Lorsque l'on aurait tendance à se focaliser sur l'esthétique de l'interface web, les experts nous rappellent que la priorité est à lever les freins de conversion du trafic en achat, d'achat en règlement effectif puis en livraison jusqu'à la satisfaction réelle et mesurée d'un client qui reviendra et en fera la promotion dans son entourage.
Pour alimenter le trafic en amont, l'animation commerciale est une question d'outils, de ressources, et de stratégie de communication :
En merchandising : mises en avant, promotions et saisons,
Comme en web-marketing : emails ciblés, et réguliers, avec un suivis constant des taux d'ouverture et des clics
Bien mené, une stratégie de mailing appuyée par un merchandising pointu peu rapidement représenter 20% du CA.
Cette logique de vente en ligne n'est plus aujourd'hui cantonné au web, et on observe un changement de prisme du consommateur vers le 'mobile first'. Il est clair aujourd'hui que les consommateurs vont encore parfois sur ordinateur finaliser un achat initié sur mobile. C'est en train d'évoluer : le mobile est déjà le premier point d'entrée, et devrait rapidement devenir le premier point d'achat en ligne. Pour les distributeurs, cela signifie qu'arriver à inspirer la confiance sur le mobile est un facteur clé de succès des ventes.
3. S'appuyer sur l'existant : omni-canal et marketplaces
Ce sujet de l'omni-canal est à très très fort potentiel, puisqu'il est proportionnel au chiffre d'affaire du réseau global. L'enjeu est de donner accès au vendeur à un stock unifié réunissant boutiques et stock central, à travers généralement une tablette ou un mobile. Lorsqu'un client demande en magasin une référence qui n'est pas disponible, le vendeur peut voir sur son terminal si l'article est disponible ailleurs, et le faire livrer. Inversement, en fin de soldes par exemple, lorsque les stocks centraux sont épuisés, ce peut-être un magasin qui envoie l'article directement.
La vente en ligne est également l'opportunité d'élargir les gammes de produit au maximum alors qu'en magasin, les collections sont retirées en fin de saison pour libérer l'espace. Sur la base du principe de "plus de produit, plus de ventes", le web permet de garder les anciens produits actifs, tout en mettant en valeur une nouvelle collection.
Sur les marketplaces, l'erreur classique est de penser que les choses se font simplement, alors que l'adaptation et l'intégration aux plateformes demandent des moyens. Certaines étant plus exigeantes, la bonne pratique est de se faire la main sur les plus accessibles qui peuvent demander deux à trois mois de travail, avant de viser des distributeurs plus exigeants qui pourront s'inscrire dans un plan à 10-12 mois pour certaines.
4. Cadrer et mesurer, mesurer, mesurer
L'excellence opérationnelle en termes de service client et de logistique passe par un changement d'état d'esprit. Ce changement fonctionne d'autant mieux que des mesures en continue permettent de cibler au mieux les priorités, et l'effort des équipes.
Techniquement, les outils web donnent aisément accès à une masse d'information, le défi est de les analyser : temps de réponse du site, rapidité de préparation, taux de manquants au moment de préparer le colis, satisfaction clients, suivi comptable... Avec les chiffres, il est plus simple d'avancer, il n'y a plus de remise en cause sur des a priori.
Coté SAV, le coté humain est essentiel, pour conduire un changement de posture et instaurer le bon niveau d'exigence : colis bien emballé, avec les bons produits, et les bonnes réponses quand le consommateur appelle.
Aujourd'hui, le consommateur attend une préparation à J, au plus tard J+1, c'est généralement l'objectif à atteindre. Les manquants sont une cause significative d'insatisfaction et nécessite une recherche systématique des causes et une revue périodique des chiffres pour suivre l'amélioration. Même le temps d'accès au site peut se mesurer et ses benchmarker à la concurrence.
S'il peut être tentant au début de s'attarder sur les libellés des fiches produits ou le niveau des descriptifs, les mesures mettent le doigt sur le cœur du sujet : se concentrer sur le fonctionnement du site e-commerce avant de faire les choses belles.
La mesure passe par la mise en place de processus, pour que tout soit normalisé et outillé: logistique, service client, mise en place d'enquêtes systématiques. Le suivi par des indicateurs des progrès réalisés toutes les semaines, tous les mois donne confiance aux équipes.
Grace au travail sur l'excellence opérationnelle, il est possible de mesurer et se préparer à de fortes hausses. Le fait d'avoir des processus et des indicateurs fait que dans un contexte de crise comme à l'automne 2020, les équipes sont très sollicitées, mais les systèmes 'scalables' peuvent résister à la ruée des clients vers le digital.
Prochaines étapes
Les 4 points clés à retenir :
Construire un business plan pour dimensionner les investissements en fonction du potentiel attendu
Se concentrer sur les fondamentaux avant le cosmétique (trafic, vente, encaissement, satisfaction client avant les intitulés, photos et descriptifs)
Tirer partie des synergies avec les points de vente physiques et les marketplaces existantes
Mesurer et benchmarker à tous les niveaux pour travailler sur les bonnes priorités
Construire, prioriser, valoriser l'existant et mesurer, apparaissent comme les quatre dimensions incontournables d'un e-commerce performant. Et vous, où en êtes vous ?
Nous serions ravis d'enrichir ces retours d'expérience par d'autres témoignages. Vous souhaiter nous partager votre vécu, contactez-nous.
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